Résolution des conflits

Publié par Hamelin de Guettelet le samedi 17 mars 2012

Wikipédia repose, entre autre, sur deux principes de fonctionnement : la collaboration et le consensus. C'est deux principes ne peuvent être mis en œuvre en dehors de l'existence d'interactions entre contributeurs. C'est justement l’existence d'interactions qui fait dire que Wikipédia est aussi une communauté de contributeurs. Je ne suis pas totalement convaincu de l'existence de cette communauté car les motivations et les modes de contributions sont trop dissemblables d'un contributeur à un autre, d'un groupe de contributeurs à un autre groupe, d'un type de contributeurs à un autre type. Mais faisons comme si cette communauté avait une existence réelle puisque déjà beaucoup de principes et de règles organisationnelles font comme si cette communauté était bien réelle et parmi ces règles organisationnelles, le si contesté CAr (comité d'arbitrage).

Il est bien évident pour tous, enfin pour tous ceux qui veulent garder un minimum d'objectivité, que les contestataires du CAr sont minoritaires mais actifs et font face à une majorité largement indifférente. Le sondage que j'avais organisé lors d'une précédente fièvre (cf. mon message du 30 septembre 2011) comme celui qui vient de se clôturer, le montre à l'évidence. Cela ne veut pas dire que tout est parfait et qu'il ne faut rien changer, mais comme à notre habitude nous tombons vite dans les phrases définitives et les excès inutiles.

Je voudrais ici poser les bases d'une réflexion.

Je fais le constat de trois dysfonctionnements :
1 - l’absence de médiation réelle depuis la disparition des wikipompiers ;
2 - les dérives des décisions du comité d'arbitrage ;
3 - l'appropriation par les administrateurs de la possibilité de blocage long des contributeurs autopatrolled.

À partir de ce constat, j'imagine quatre voies de solution possibles :

1 - une impossible, changer les Hommes et les rendre parfaits ;
2 - une illusoire, modifier le règlement pour obliger à la perfection ;
3 - une radicale, supprimer les arbitres donc supprimer le CAr pour éviter les imperfections ;
4 - une utopiste, mais j'aime l'utopie, changer les états d'esprit, se grandir, pour faire au mieux avec les imperfections.

Nous ne changerons jamais les Hommes (1) mais nous pouvons toujours radicalement supprimer le CAr et les arbitres (3), cassons le thermomètre pour éviter d'avoir à constater une fièvre maladive et laissons le corps dépérir. Comme les contributeurs resterons, quoi qu'il en soit, humains, en l'absence du CAr, il deviendra impossible de régler bien ou mal les conflits qui finiront par empoisonner mortellement l'encyclopédie sauf à rendre les contributeurs parfaits.

Nous pouvons toujours espérer l'illusoire, devant cette persistance conflictuelle inévitable, trouver le médicament miracle, ce règlement parfait (2), qui permettra, à la satisfaction de tous, de solder ces conflits, d’apaiser les esprits et de rendre les corps sains. Ou alors de façon utopique, nous pourrions aussi essayer de faire évoluer les états d'esprit, nous grandir, devenir enfin adulte (4) pour, non pas supprimer les conflits, c'est impossible, mais les empêcher de dégénérer, faire un diagnostique précoce pour administrer une potion moins amère.

Nous pourrions essayer, par exemple, d'adapter la résolution des problèmes comportementaux à notre mode de résolution des problèmes rédactionnels ou éditoriaux ; en fait, l'exact contraire aux propositions de Jean-Jacques Georges.

Il nous faut sortir de la cour de récréation et nous donner la chance de régler entre adultes ces conflits par la discussion collaborative, par la recherche de consensus et non par la sanction ou la contrainte. En dernier recours, la sanction doit rester l'aveu d'un échec, et non en priorité, la recherche d'une solution.

Comment résolvons-nous nos problèmes rédactionnels ou éditoriaux ?
Trois cas de figure :
  • les vandales ;
    les vandales sont systématiquement rejetés de la communauté sans autre considération,
  • les IPs et les nouveaux contributeurs ;
    les IPs et les nouveaux contributeurs sont sévèrement encadrés par des contributeurs patrouilleurs à qui la communauté délègue une part de son contrôle rédactionnel,
  • les contributeurs autopatrolled ;
    pour les contributeurs autopatrolled, tous les problèmes rédactionnels se règlent, grâce aux principes fondateurs, par la discussion collaborative avec pour objectif la recherche de consensus. Pour encadrer ces discussions, la communauté a créé un certain nombre d'outils comme la règle des 3RR, la contestation de neutralité, l'appel à commentaire, et j'en passe d'autres comme la fusion, la scission, la suppression, la demande de restauration d'articles, etc.

Pourrait-on avoir quelque chose de similaire pour régler les problèmes comportementaux ?
  • les vandales, les IPs et les nouveaux contributeurs sont déjà systématiquement encadrés par la communauté (cf. les RA - requêtes aux administrateurs) et les administrateurs à qui la communauté a confié quelques outils spécifiques et a délégué à ceux-ci la charge de traiter tous les cas de tentative de désorganisation de l'encyclopédie ;
  • les choses sont déjà beaucoup moins évidentes dès qu'il s'agit de contributeurs autopatrolled. La communauté est partagée, un certain nombre de contributeurs dénient aux administrateurs le droit de faire respecter les principes fondateurs autre que ceux ayant trait à la désorganisation de l'encyclopédie. Un simple statut technique ne peut être confondu avec des prérogatives de basse police. C'est évidemment une extension anormale de pouvoir que de considérer les conflits personnels entre contributeurs autopatrolled comme relevant de la simple notion de désorganisation.

C'est d'ailleurs pour ces raisons que les conflits personnels entre contributeurs autopatrolled avaient donné lieu à deux entités la médiation et l'arbitrage. Je ne reviendrais pas sur les raisons qui ont amené à la suppression des wikipompiers et leur remplacement par un vague salon de médiation qui n'a jamais réellement fonctionné. Il faut bien constater aujourd'hui que la suppression de cette fonction de médiation a été préjudiciable à l'encyclopédie tout comme serait nocive la suppression de la fonction d'arbitrage.

Il me parait donc évident de supprimer autant que faire ce peut la fonction de sanction comme seule possibilité de résolution ou en tous les cas de la réserver en dernier ressort. Il faut d'abord créer une fonction de prévention, d'alerte, recréer la fonction de médiation et en faire un préalable à la fonction de tutelle, la fonction d'arbitrage ne serait alors qu'un ultime recours, avant de mettre en œuvre la fonction de sanction.

Commençons par poser quelques principes de bons sens dans ce cadre ainsi défini. J'envisage quatre étapes pour chacune des quatre fonctions, allant de la mise en observation par les administrateurs à l'imposition d'une solution-sanction par les arbitres en passant par la recherche de solutions consensuelles par les médiateurs et les arbitres-tuteurs ; dans les deux premières étapes, prévention et médiation, la main est laissée aux partis en conflit avant que la main ne passe en dernier ressort aux arbitres dans les deux dernières étapes, tutelle et arbitrage-sanction :
© MGI - A.R.P.
  • première étape - observation :
    puisque les administrateurs sont maintenant partie prenante dans la fonction de basse police, il revient aux administrateurs, la responsabilité, non pas de sévir, mais de prévenir, d'alerter, de mettre en garde, de clairement exposer les comportements fautifs et de mettre les contributeurs en cause sous surveillance active ;
    si les partis en conflit ne tenaient pas compte des mises en garde, ne recherchaient pas rapidement une solution à leur conflit, si la situation ne devait pas s'améliorer, les administrateurs devraient alors déclencher une médiation avec éventuellement, comme mesure conservatoire, si besoin était, un blocage court des deux partis le temps juste suffisant et nécessaire à la mise en place de cette médiation ;
  • deuxième étape - médiation :
    la médiation proactive est une discussion aidée, surveillée et encadrée par des médiateurs (plutôt des administrateurs puisse qu’ils s'approprient les actes de basse police) permettant aux partis en conflit de trouver eux-mêmes avec un/des médiateurs un consensus pouvant mettre fin à leur différent ; c'est seulement en cas d'échec de cette médiation, que ce conflit comportemental sera obligatoirement porté devant le CAr par les médiateurs ;
  • troisième étape - tutelle :
    s'appuyant sur la médiation et tirant des leçons de son échec, les arbitres ont alors pour objectif de chercher, en dehors des parties en conflit, une solution pérenne, de l'imposer aux parties et surtout d'en suivre tout le long son application pour éventuellement en moduler les conséquences, en fait une sorte de tutelle pour contributeurs irresponsables. Cela éviterait les décisions à la Ponce Pilate ou une judiciarisation excessive avec possibilité d'appel et pourquoi pas de cassation ou de recours auprès d'un tribunal international des droits humains des contributeurs (sous l'égide de la fondation WikiMedia avec Jimbo en juge suprême).
  • dernière étape - arbitrage-sanction :
    enfin malgré la tutelle et tous leurs efforts et leur suivi, en cas de persistance du conflit comportemental, les arbitres peuvent alors, et alors seulement, prendre des décisions de blocage en écriture moyen ou long de contributeurs autopatrolled en conflit assorties de mesures conservatoires à la fin des blocages pour un retour à la normale. Les blocages de contributeurs autopatrolled ne peuvent être que de la responsabilité des seuls arbitres et qu'après un constat d'échec de la médiation ET de la tutelle.




En fait, comme pour les conflits rédactionnels ou éditoriaux, la résolution des conflits personnels comportementaux est à rechercher dans la collaboration et le consensus entre personnes responsables. Il est évidemment plus efficace de faire participer les partis en conflit à la recherche d'une solution consensuelle plutôt que d'imposer une sanction qui pourra toujours être soupçonnée de décision partisane. Il n'y aurait pas de changements particuliers du statut des administrateurs pour cette fonction d'alerte et de médiation, autres que ceux que la communauté souhaite par ailleurs pour la fonction d'administrateur. Si un statut de médiateur devait être créé, je verrais bien quelque chose de proche du statut d'arbitre avec un allègement maximum des contraintes d'élection et de durée. Je pense que l'on pourrait instituer pour les arbitres la possibilité de se présenter à l'élection, quand le candidat le souhaite en fonction de ses disponibilités, comme pour les administrateurs ou les bureaucrates, et cela pour une durée définie et limitée, sans avoir besoin d'organiser des élections à des périodes fixes.

Ainsi irait mieux Wikipédia.