« Du m'as-tu-vu en couche épaisse »

Publié par Hamelin de Guettelet le dimanche 12 mai 2013

© Mogmi
Il y a déjà un an que je faisais le constat de la difficulté d'écrire un article encyclopédique alors que l'on n'avait pas été formé à la recherche des bonnes sources capables de traiter d'un sujet, à l'analyse de ces sources et à la synthèse des connaissances ainsi acquises (cf. mon message du 25 mai 2012) en souhaitant une page d'aide simple, claire et utile sur le sujet.
Il y a déjà bien longtemps, que j'avais défendu la position d'un contributeur, votant régulièrement sur les labellisations d'articles, et qui votait contre des articles trop AdQ - article de qualité - trop AdQ car trop peu à la porté des lecteurs moyens. Lecteur moyen n'est pas péjoratif, le lecteur moyen du XXIe siècle, c'est l’honnête homme du XIXe, c'est au XVIIIe, Voltaire et ses expériences scientifiques ou mieux Émilie du Châtelet qui traduit Newton en français.

Un lecteur d'un autre âge, comme le mien, se plaint sur le Bistro d'un manque de vulgarisation des articles scientifiques. De bon niveau d'études mais d'une autre culture scientifique qui faisait plus de place à l'expérimentation qu'à la conceptualisation mathématique, il pose clairement la question : pour qui les contributeurs scientifiques de Wikipédia écrivent-ils ?

Pour moi, comme pour Gilles MAIRET, Wikipédia doit être écrit pour ce lecteur moyen, cette honnête homme ou femme, qui n'est pas un sachant, qui n'a rien à faire de Wikipédia, il a ses lectures ailleurs (études scientifiques, ouvrages spécialisés, etc.), ni un ne-sachant-pas, qui ignore ces sujets scientifiques dans ses lectures wikipédiennes. Il existe en fait sur Wikipédia, trois catégories de contributeurs scientifiques, ceux qui ont la fibre pédagogique ou vulgarisatrice et qui savent presque naturellement faire simple, ceux qui se brosse l'égo dans le sens du poil en ramenant leurs sciences. Ils ont un peu trop tendance à oublier que la culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale. Mais eux, ils étalent du m'as-tu-vu en couches épaisses au point de devenir incompréhensibles pour quiconque sauf par plus m'as-tu-vu qu'eux qui font semblant de comprendre ce qui est pourtant incompréhensible. Les troisièmes enfin, ceux qui veulent faire simple mais qui ne savent pas nécessairement faire simple, qui s’échinent à faire du pédagogique ou de la vulgarisation sans toujours réussir. Et oui, Gilles ce n'est pas toujours évident de faire simple pour expliquer quelque chose de compliqué comme le calcul de la date des Pâques. Mais au moins ils essayent.

J'avais en son temps fait une proposition, reprise par ce contributeur dont je ne retrouve plus le nom et qui avait cherché avec un succès mitigé à l'imposer dans les labellisations. Il s'agissait de créer dans chacun de ces articles scientifiques, une section pour ces lecteurs moyens, qui expliquait, non pas la théorie, simple ne veut pas dire simpliste, mais le phénomène étudié avec des mots simples à la portés de n'importe quel bachelier, une sorte de paragraphe, non pas pour les nuls, mais pour les curieux. Certains avaient cherché avec succès à jouer le jeu de la vulgarisation, d'autres, beaucoup trop d'autres, refusant de se mettre au niveau de leurs lecteurs potentiels. Qui possède bien son sujet est pourtant capable de l'expliquer facilement, « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » nous disait Boileau. Il ne faut pas inverser les rôles : ce n'est pas celui qui ne comprend pas qui n'a pas la capacité de comprendre, c'est celui qui s'exprime de façon absconse ou abstruse qui révèle sa propre incompréhension de ce qu'il cherche à exprimer. Le bon communicateur, fait de l’empathie, il sait se mettre à la place de son interlocuteur en utilisant le vocabulaire de son interlocuteur pour bien se faire comprendre de son interlocuteur, ce n'est pas le contraire qui est la loi commune, ce n'est pas le receveur qui doit se mettre dans la tête de l'émetteur.

Une encyclopédie n'est pas fait pour compliquer la connaissance mais pour la mettre à la portée du plus grand nombre, les spécialistes du critère encyclopédique devraient bien se poser la question du trop encyclopédique qui tue tout aussi surement Wikipédia que le pas assez encyclopédique, pourtant seul objet de leur ressentiment.

Ainsi irait mieux Wikipédia pour tous.